COP 28, quel bouleversement pour le métier des déchets ?

La COP28 s'est clôturée le 13 décembre 2023 à Dubaï, laissant derrière elle des discussions intenses et des engagements cruciaux. Cette année, les nations du monde se sont réunies pour aborder les défis pressants du changement climatique et forger des solutions collectives. Et bonne nouvelle, car cette fois-ci, le président du sommet, Sultan Ahmed Al Jaber, annonce qu'un accord de compromis entre les 197 parties a été trouvé, appelant tous les états membres à "s'éloigner des énergies fossiles". Cette proposition vise à atteindre une neutralité carbone d'ici 2050.

COP 28 et gestion des déchets

Les inquiétudes quant aux conflits d'intérêts suscités par cet accord sont fondées, puisque rappelons qu'Al Jaber est le PDG de la compagnie pétrolière nationale d'Abou Dhabi (ADNOC).

Le terme "éloignement des énergies fossiles" reste malheureusement bien vague et ne permet pas d'établir un chiffre précis d'engagement à atteindre. Cependant, si l'on se positionne dans un contexte climatique parfait, en quoi cette résolution pourrait-elle avoir un impact sur le métier de la gestion des déchets?

L’utilisation des énergies fossiles dans les métiers du déchet

Avant d'évaluer les solutions possibles associées à cet accord international, visualisons ensemble les postes d'utilisation d'énergies fossiles dans le secteur du déchet. Celle-ci, encore largement courante, se retrouve dans les trois types d'opérations suivantes: la collecte et le transport des déchets, le traitement des déchets et la fabrication des équipements de collecte.

Collecte & Transport des déchets

Lorsque vous produisez des déchets, ceux-ci sont collectés soit par des camions bennes, des bennes ordures ménagères, des véhicules utilitaires, ou même des vélos. Ces véhicules sont quasi uniquement alimentés par des carburants dérivés du pétrole, tels que le diesel ou l'essence, pour ramasser les déchets. Ainsi, lors de la collecte de vos déchets, les véhicules émettront des émissions directes à la consommation de l'énergie fossile. GoodCollect estime qu'un camion peut parcourir jusqu'à 100 km pour effectuer une collecte de déchets. Cela peut représenter une émission de 17 kg de CO2 pour une simple collecte de benne, soit l'équivalent de 5 trajets aller-retour Paris-Marseille en train.

De plus, la fabrication de ces véhicules est aussi gourmande en énergie fossile, car elle nécessite notamment l'utilisation d'engins motorisés pour l'extraction, le transport, et la transformation des minerais pour la fabrication du camion. Cela correspond à une consommation d'énergie fossile indirecte.

Extraction minerai pour déchet

Traitement des déchets

De la même manière, le traitement des déchets nécessite de l'énergie fossile. En effet, pour construire un incinérateur, un centre de tri de déchets, ou même creuser le gigantesque trou d'un ISDND (Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux, autrement dit un centre d'enfouissement), il est nécessaire de consommer une énergie fossile.

De la même manière, une fois vos déchets arrivés sur votre exutoire, il est encore une fois nécessaire de faire fonctionner des machines et moteurs pour trier, transformer ou refabriquer de la matière.

Fabrication du matériel de collecte

La fabrication des matériaux et équipements de gestion des déchets, tels que les bacs de particuliers ou les bennes de professionnels, ou tout autres équipements de collecte sont aussi très dépendants des énergies fossiles.

Fabriquer en ferraille ou en plastique ces outils nécessite l'utilisation du pétrole et/ou du gaz systématiquement, soit pour fondre le métal, soit en tant que constituant ultime de la matière. Le charbon occupe 80 à 90% du mix énergétique de la production d'acier, alors que les 10% restants sont électriques. Pour ce qui est des plastiques, 99% mis en circulation aujourd'hui sont produits à partir d'énergies fossiles, composés à 70% de pétrole, de gaz à 25%, et de charbon entre 1 et 5%.

Finalement, l'utilisation des énergies fossiles dans le métier du déchet reste majeure et dans l'ensemble de la prestation de collecte, valorisation et/ou recyclage de la matière.

Quelles sont les solutions existantes à adopter pour atteindre cet objectif de 100% de retrait des énergies fossiles ?

Pour sortir des énergies fossiles dans le métier du déchet, de nombreuses initiatives existent avec plus ou moins de performance.

Gestion de Flotte, Analyse des Données & Modélisation des Itinéraires

Dans le cadre des émissions directes de CO2 dans le transport (consommation du gasoil sur la route), le levier principal concerne surtout la diminution des distances parcourues. En effet, en utilisant des systèmes de gestion de flotte, en analysant les données et en utilisant des algorithmes de modélisation pour calculer des itinéraires plus efficaces, il est possible de réduire sa consommation jusqu'à 17%.

Aussi, pour les producteurs de déchets, il est envisageable de favoriser une collecte réalisée par un prestataire local. En France, il existe un panel de prestataires suffisant pour identifier un acteur tous les 30 km environ. Cela représente, dans certains cas, une amélioration de la distance de plus de 50%.

Flotte de véhicules électriques

Bien évidemment, comment parler de remplacement des énergies fossiles sans parler de camion roulant à l'électrique?!

Remplacer les véhicules utilisés pour la collecte des déchets par des modèles électriques ou hybrides réduit significativement la consommation d'énergie fossile.

Attention toutefois, car ce sujet reste ambigu pour les écologistes, car pour remplacer les énergies fossiles consommées directement par le camion, il est nécessaire de s'assurer que l'électricité qui alimente ces camions n'est elle-même pas composée d'une partie issue du fossile.

Des carburants alternatifs

En France, certains acteurs de la collecte et du traitement des déchets ont mis sur le marché des véhicules de collecte roulant grâce à de l'huile végétale, autrement appelé biocarburant. Cette pratique est de plus en plus courante et répond à l'enjeu de la disparition des énergies fossiles, mais cependant, reste à analyser son cycle de vie pour pouvoir affirmer une réelle diminution des émissions de CO2, sans oublier le réel objectif de la neutralité carbone.

La fabrication des outils de collecte

Pour tous les outils de collecte en plastique, suppléer l'utilisation du plastique par une autre matière reste complexe. Le plastique est une matière peu chère, légère, facilement malléable et très résistante. Suppléer le plastique d'origine fossile par une autre matière risque d'être l'un des plus grands enjeux de notre décennie. Ainsi, des entreprises travaillent activement à l'élaboration d'outils de collecte en bioplastique (PLA), de mélange de matière recyclée (bois, aluminium, plastique, etc.) ou encore avec des matières recyclables.

D'une manière générale, les solutions proposées dans cet article ne concernent que les consommations d'énergies fossiles directes. Ainsi, pour régler la problématique des 100% de retrait de l'énergie fossile dans les métiers du déchet, il sera nécessaire d'électrifier à 100% le parc d'engins pour construire les centres de tri et les incinérateurs, extraire les minerais pour la fabrication des camions, transformer, creuser, etc., et s'assurer que le mix énergétique utilisé dans ces étapes est lui aussi exempt d'énergie fossile.

Conclusion

Le retrait des énergies fossiles doit notamment passer par la mise en place d'une électrification globale dont la source peut être nucléaire ou renouvelable. D'ailleurs, la proportion d'énergie nucléaire dans le monde représente 9% du mix énergétique global, et la COP 28 prévoit de tripler ce volume d'ici 2050. Le reste devra être comblé par du renouvelable d'ici là. Ce bouleversement environnemental global implique des changements importants et reste à savoir si notre chère planète est constituée de suffisamment de ressources pour répondre à ce bouleversement global?

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